Cortèges, arbres de mai, fleurs, rameaux, claquements de fouets, imprécations et « Pfengschtklötzel » ou « Pfengschtgenius » représentant l’esprit de la nature, les traditions de Pentecôte étaient encore bien vivantes au début du XXe siècle.
Le lundi de Pentecôte, dans de nombreuses localités de toute la région, des cortèges d’enfants défilent dans les rues derrière le « Maie », l’arbre de mai, un petit bouleau de 2-3 mètres, la plupart du temps, ou un petit acacia. L’arbre a été coupé en forêt.
Dans le pays de Hanau, il est orné de rubans de soie et de fleurs. Il symbolise le printemps, l’arrivée du mois de mai et de la belle saison. Les enfants, des garçons pour la plupart, vont de maison en maison et récoltent du lard, des œufs, des petits pains qu’ils déposent dans une corbeille. On leur donne aussi du vin qui est mis dans un tonnelet.
Durant le passage du cortège, les enfants chantent des imprécations en alsacien : « Pfingstequack hat d’Eier gfresse. Het d’Ochse und d’Roß im Stall vergesse. Heb ingenuß ! Heb owenuß ! En Ei eruß ! En Ei eruß ! Oder i schick i de Marder ins Hiehnerhuß ! ».
« Le Pfingstquack a dévoré les œufs. Il a oublié les bœufs et les chevaux dans l’écurie. Donnez-nous un œuf ! Donnez-nous un œuf ! Sinon nous vous enverrons la martre dans le poulailler ! »
Le mot « Pfingstquack » semble issu du terme latin « quinquaginta » qui signifie cinquante, soit 50 jours après Pâques, c’est-à-dire Pentecôte. Mais le terme et l’origine de la tradition restent énigmatiques. Ces textes rappellent quelque peu ceux récités pendant la période de Pâques par les jeunes qui vont ramasser les œufs. Le soir venu, un petit dîner réunit tous les participants qui se partagent ainsi les victuailles récoltées. Si l’état des provisions le permet, un second repas est organisé le lendemain.
Les valets de Pentecôte
À Alteckendorf, Duntzenheim, Ingenheim et d’autres communes, des groupes d’enfants passent dans les rues en portant un arbre de mai. Ils chantent des imprécations en alsacien quelque peu semblables à celle mentionnée plus haut. Ils collectent des œufs, du lard, du lait, du vin. Il s’agit des valets de Pentecôte (Pfengschteknacht).
À Imbsheim, dans le pays de Hanau, jusqu’à la fin du XIXe siècle, un cortège de quatre groupes passe dans le village. Chaque groupe représente les gardiens des quatre espèces d’animaux domestiques élevés dans le lieu : chevaux, bœufs, vaches et chèvres. Chaque groupe est conduit par un « Pfingstknettel » (gourdin de Pentecôte). Il est masqué et porte un chapeau à huit cornes décoré de fleurs, ainsi qu’une chemise blanche rembourrée de paille et couverte de verdure.
Le premier des « Pfingsknettel » monte un cheval, le deuxième un bœuf, le troisième une vache et le quatrième accompagne une chèvre. De plus, chaque « Pfingsknettel » tient dans une main une tabatière et dans l’autre une grande cuillère en bois pour défendre son précieux tabac.
Chacun de ces personnages est assisté par quatre maîtres en uniforme militaire avec un sabre et de plusieurs valets dont un porteur du « Maie ». Le cortège défile dans les rues et récolte des cadeaux en récitant une imprécation en alsacien.
Le « Pfengschtklötzel »
Dans certains villages, on promène un garçon, sorte de mannequin vivant habillé de rameaux et de fleurs. Il s’agit du « Pfengschtgenius » ou « Pfengschtklötzel » représentant l’été.
Cette tradition apparaît à Bouxwiller, à Reutenbourg, à Willgottheim, mais également dans des villages de l’Outre-Forêt (Gunstett, Lobsann, Niederbetschdorf..) et en Haute Alsace (Bergholtz-Zell, Hirsingue, Stetten…).
Dans certaines localités, par exemple à Koersheim, Landersheim ou Scharrachbergheim, le cortège comporte à la fois le « Maie » et le personnage couvert de rameaux et de fleurs représentant tous deux le printemps. Dans ce dernier vilage, on note également la présence d’une figure quelque peu identique au « Pfingstknettel » d’Imbsheim, mais appelé « Pfingstbollen ».
Les « Pfengschtknalle »
Dans de nombreuses communes d’Alsace Bossue, du Kochersberg ou du pays de Hanau, les jeunes gens défilent dans les rues le lundi en faisant claquer leurs fouets devant la demeure de leur fiancée. Il s’agit d’éloigner les mauvais esprits apportés par l’hiver et faire place nette pour annoncer la Pentecôte, c’est-à-dire la venue du Saint-Esprit.
À Kindwiller, le dimanche de Pentecôte, les jeunes hommes se placent au milieu de la voie principale et s’affrontent en faisant claquer leurs fouets. Celui qui claque le plus fort est béni pour toute l’année.
Toutes ces traditions durant la Pentecôte remontent à d’anciens cultes agraires de fertilité. On chasse les démons qui se sont installés durant l’hiver, on sacrifie l’esprit de la végétation afin de favoriser les travaux des champs et s’assurer des récoltes abondantes.